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Seconde édition du think tank “lieux culturels et métavers”

11 janvier 2024

Un projet NewImages Hub et le CLIC

Le Forum des images a accueilli le 24 novembre 2023 la seconde session du Think Tank “Métavers des musées”, co-animé avec le CLIC, cette fois-ci questionnant les technologies et outils relatifs aux métavers, avec en filigrane les impacts écologiques, territoriaux, mais aussi sociaux qui les sous-tendent. Si vous avez manqué la première session du Think Tank, n’hésitez pas à en lire le compte rendu ici !

Pour rappel : Le think tank « lieux culturels et métavers«  est un cycle de 4 groupes de travail et réflexion qui invite musées, lieux culturels et monuments historiques à imaginer ensemble l’avenir des institutions culturelles dans le métavers.

« L’idée du think tank, co-piloté par le Forum des images et le CLIC, est de créer un carrefour entre institutions culturelles et entreprises de la tech française » – Michele Ziegler

Quelles technologies impliquées ? Quels formats de production, quelle interopérabilité possible ? Quelles plateformes pour quelle souveraineté ? Comment rendre ces projets compatibles avec le développement durable ?

Avec maintenant plus de 70 institutions et entreprises ayant d’ores et déjà acceptées de participer au Think Tank, son objectif reste de préparer les institutions et lieux culturels français à un potentiel appel à projet, France 2030.

Lors de cette 2ème session du 24 novembre sont intervenus à nouveaux nos 3 acteurs représentants du métavers français, qui ont pu prendre la parole notamment sur la gestion et diffusion de leur contenus : 

  • Clément Merville, fondateur de Manzalab
  • Thomas Tassin, co-fondateur de Mira World
  • Louis Cacciuttolo, fondateur de VRROOM

Mais aussi de nouveaux·lles intervenant·es, comme : 

  • Vanessa Rabesandratana, co-fondatrice d’Ocel

OCEL est un projet en développement qui ambitionne de créer des jumeaux numériques pour le métavers. Fonctionnant sur casques autonomes, la portabilité réseau est prévue, avec un lancement public en 2025. L’expérience OCEL permettra une navigation libre entre lieux virtuels, de proposer des expériences immersives avec de l’AR dans la VR, et l’interaction avec des guides ou d’autres visiteur·rices. Collaborant avec des institutions renommées telles que le musée Granet, d’ailleurs présent à cette session 2 du Think Tank, OCEL nous invite en février 2024 pour l’intégration de leurs nouveaux jumeaux numériques !

  • Pierre Friquet / PYARé, fondateur ELIXR et directeur de NIGHT iMMERSiON

Pierre Friquet, créateur d’expériences VR depuis plus de 10 ans, représente l’union ELIXR, un collectif de plus de 300 créateur·rices d’expériences numériques et immersives. Lors de cette session, il a pu présenter son projet NiGHT iMMERSiON, une installation de VR immersive qui réinvestit les piscines en les transformant en espaces d’expression artistique, ou encore sa collaboration avec Jean-Michel Jarre dans le cadre de son événement virtuel sur VRROOM en 2020. Pierre Friquet a également déjà collaboré avec la SAT, ou encore la Cité des sciences, et est familier avec les outils de développement d’Epic Games ! 

  • Mathieu Giannecchini, directeur général adjoint de SIMPLON

Simplon est une école du numérique engagée qui forme plus de 28 000 personnes en 10 ans, favorisant l’employabilité sans prérequis de diplôme. En partenariat avec Meta, Simplon propose des formations sur les technologies immersives, formant des techniciens et offrant un diplôme bac +5 en « Concepteur intégrateur d’applications de réalité virtuelle et 3D temps réel ». Depuis avril 2023, Simplon explore un métavers responsable, mettant en l’impact social et environnemental du domaine numérique, avec un livre blanc téléchargeable en libre accès.

Cet article se propose en tant que restitution des échanges et des réflexions qui ont animé la session du Think Tank du 24 novembre 2023

I – Contenus et plateformes

  1. Architecture des métavers, contenu ou contenant ?

Dans le métavers, les institutions et les lieux culturels s’intéressent particulièrement aux jumeaux numériques et à la création d’espaces imaginaires pour y intégrer des collections muséales préexistantes. Clément Merville souligne l’ambiguïté du terme « contenu » dans ce contexte, qui inclut à la fois le contenant (l’architecture du métavers) et le contenu lui-même (œuvres picturales, son, VR 360, et œuvres interactives).

  1. Développement des plateformes, et impact écologique

Dans le métavers, les plateformes comme Unity et Unreal Engine offrent des choix variés pour la création de contenants métavers; par exemple, Manzalab et OCEL utilisent Unity, tandis que Mira World utilise Unreal Engine. Chaque outil offre des avantages et des inconvénients : Unreal pour plus de précision ou de liberté de rendu, Unity pour plus de libertés sur les fonctionnalités.

« Le débat Unity / Unreal, c’est le débat Mac versus Pc d’il y a quelques années ! » – Thomas Tassin

Sur le plan écologique, la plateforme de développement a un impact limité sur l’empreinte environnementale. Selon Vanessa Rabesandratana, l’impact majeur réside dans la diffusion et la réception des plateformes métavers. Les acteur·rices s’efforcent de choisir des moteurs de jeu « propres » et de réduire le poids numérique des expériences. Par exemple, l’hybridation avec la VR dans le spectacle vivant ou l‘exposition d’œuvres réduit l’empreinte carbone en favorisant les représentations virtuelles plutôt que physiques en limitant les transports. 

  1. Interopérabilité des assets 3D

L’interopérabilité est essentielle pour assurer la compatibilité des fichiers avec différents métavers. Les modèles 3D doivent être réalistes pour certain·es, tandis que d’autres préfèrent des interprétations plus libres pour réinterpréter le patrimoine. Dans tous les cas, peu importe le parti pris esthétique, le musée peut changer une sculpture, un tapis…d’un coup de clic.

Peu importe la plateforme de création (Unity, Unreal), les musées peuvent intégrer et valoriser leurs contenus numérisés dans différents environnements métavers. Par exemple, Mira travaille avec des institutions qui ont des assets préexistants, comme des modèles 3D d’objets, des jumeaux numériques, ou des textures… et les intègrent à leur plateforme !

II – Plateformes, diffusion, et réception

  1. Partenariats entre institutions culturelles et plateformes web3

Récemment, plusieurs annonces de partenariats entre des institutions culturelles et des plateformes web3 ont été annoncées :

En France, on compte plusieurs projets de plateformes autonomes collectives avec des expériences de groupe, sous forme de “pré-métavers”, ou “métavers collectifs”. Louis Cacciuttolo souligne l’importance stratégique de choisir une plateforme qui soutient la souveraineté philosophique et économique des acteur·rices installé·es sur le territoire européen. Cependant, développer sa propre plateforme peut être coûteux et complexe, et certains optent pour des solutions existantes comme Fortnite editor.

OCEL rappelle que l’Europe respecte le RGPD (“Règlement Général sur la Protection des Données”), contrairement aux États-Unis, qui limitent également beaucoup les activités métavers. Meta propose peu de liberté créative pour les projets très spécifiques, limite sur les API (“interface de programmation d’application”) et ferme exclusivement son écosystème de casques à Meta (tout comme Google).

  1. Calcul des données, et serveurs de diffusion

La localisation des serveurs soulève des questions similaires à celle des choix de plateformes. Travailler avec des serveurs français peut être complexe pour atteindre le public nord-américain, conduisant souvent à des localisations en dehors de l’Europe. 

Où se calculent les informations nécessaires au fonctionnement des plateformes ?

  • Il est possible de permettre le calcul en local; alors les serveurs, uniquement multi-utilisateurs, sont très économiques en énergie.
  • Souvent, les calculs sont hébergés sur des serveurs externes, ce qui pose des enjeux de latences (vitesse de réponse face à l’information), d’impacts, et de coûts. Les serveurs externes sont plus puissants, mais génèrent des émissions de carbone élevées.

Le parti pris du local est néanmoins exigeant techniquement : calculer les images en local pour chaque visiteur·rice présente l’avantage d’être plus économe, mais offre pour Teemew une qualité graphique moins poussée que Mira World par exemple. Des stratégies d’optimisation, comme gérer et supprimer des contenus, limiter leur stockage, ou encore supprimer des mondes inutilisés sont autant de moyens de limiter l’empreinte carbone.

  1. Production du matériel, et terminaux de réception

La production des casques RV et des terminaux de réception des plateformes nécessite des ressources considérables, avec l’utilisation de métaux lourds et l’extraction de vastes quantités de terrain, posant ainsi des défis majeurs pour l’industrie numérique. Les écosystèmes de casques, détenus principalement par des géants de la tech tels que Meta et Google, créent un monopole dont dépendent les utilisateur·rices. Bien que des plateformes sans casques existent comme Teemew, de nombreuses expériences muséales privilégient la réalité virtuelle pour leurs métavers collectifs. Clément Merville souligne l’importance de l’accessibilité à tous les publics, mais tous les métavers ne sont pas cross-terminaux (mobile, tablettes…). La fabrication des appareils est donc une question centrale à intégrer dans toute prise de décision stratégique, c’est un facteur essentiel à considérer dans toute réflexion complète sur un numérique responsable.

L’empreinte environnementale du numérique | Arcep

« La phase de production des terminaux semble occuper une place toute particulière en ce qu’elle concentrerait 70 % de l’empreinte carbone du numérique en France ».

Mathieu Giannecchini souligne que les technologies immersives ont une empreinte écologique importante, notamment en raison de l’obsolescence ultra-rapide des terminaux. Des solutions existent, telles que la reprise de casques VR pour promouvoir un usage circulaire, et favoriser des expériences VR sans casques. Pour réduire l’impact, la responsabilité de toute la chaîne matérielle est cruciale; si l’obsolescence est aussi problématique, il faudrait que les grands groupes travaillent à maintenir les fonctionnalités des casques plus anciens, pour les conserver plus longtemps.

Les créateur·rices peuvent donc agir en adaptant leur usage materiel pour accéder à leur métavers en : 

  • Privilégiant une logique de diffusion universelle (tous récepteurs); en adaptant le contenu au support de réception. 
  • En limitant le streaming vidéo, qui coûte extrêmement cher écologiquement comme le rappelle Pierre Friquet.

III – Fonctions sociales et gestion des contenus

  1. Accessibilité, et redirection des publics

Les métavers cannibalisent-t-ils les audiences, en les redirigeant vers le virtuel au lieu de promouvoir les visites in situ ? L’un des points bloquants pour les institutions serait d’engager avec les métavers collectifs une substitution progressive du public physique vers le métavers, vidant ainsi les musées de leur public.

Les intervenant·es de ce Think Tank présentent les nouvelles opportunités des métavers comme une addition plutôt qu’une substitution d’expériences. L’expérience métavers donnerait plus envie de se rendre compte de la réalité physique, et il faudrait que le producteur annule totalement un événement (par exemple un concert) pour que les gens aillent sur métavers en substitution.

La visite virtuelle est un atout sur plusieurs points : 

  • Le prix du ticket, qui est amoindri avec la visite virtuelle, encourage les publics à s’acculturer. 
  • L’accessibilité, qui le rappelle Pierre Friquet, est un réel problème de design, et qui doit être remis au centre de nos pratiques. Le métavers permet notamment un portage transmédia, qui débloque des expériences pour de nouveaux publics.
  • La customisation des contenus, qui permet de mettre à jour des expériences sans en changer toute la narration, grâce à un processus de construction brique par brique
  1. Interopérabilité des avatars

L’avatar est l’un des piliers de l’immersion, et un élément central dans l’expérience utilisateur des métavers collectifs : 

  • Si un·e utilisateur·rice crée un avatar sur une des grandes plateformes métavers connues aux États-Unis, est-il transposable et utilisable sur les plateformes des acteur·rices français·es ?
  • Serait-il possible de créer des passerelles avec des réseaux sociaux existants ? Et d’autres métavers ?

Ready Player Me, au rendu “cartoonesque”, est le système d’avatars le plus universel, utilisé par OCEL, Teemew, et VRROOM, bien que d’autres existent comme MetaHumans (utilisé par Mira), qui offre des avatars “full body”. Teemew prévoit d’intégrer Avaturn, qui a une fonction qui permet de reproduire les mouvements de tête et expressions faciales avec la webcam de l’ordinateur. 

Les passerelles vers les réseaux sociaux existent déjà, permettant le partage d’expériences directement depuis le métavers; dans VRROOM et Mira World, les utilisateur·rices peuvent partager un selfie en direct sur les réseaux sociaux, et pour OCEL (qui utilise facebook), une tablette virtuelle permet d’accéder à ce genre de fonction, avec une UX en cours de développement. 

  1. Gestion des contenus, et back office

La gestion des contenus est un autre point challengeant pour les institutions, qui n’ont encore une fois pas forcément des équipes de spécialistes dédiées aux métavers en interne. Les intervenant·es du Think Tank se veulent rassurant·es avec les lieux culturels, et notamment sur la question des back offices (partie utilisée pour la conception, la gestion et l’administration des plateformes, opposé au front office, la partie visible aux utilisateur·rices) :

  • Avec l’accès aux plateformes via des SDK (kit de développement logiciel), notamment pour les utilisateurs Unity, qui permet à n’importe qui d’éditer le métavers en utilisant le logiciel (c’est le cas de VRROOM)
  • La possibilité de gérer certains back offices eux-même, et même de rajouter des couches d’IA à terme (pour OCEL)
  • Des back offices simplifiés liés aux métavers, où il n’est pas possible de tout changer mais de customiser seulement une partie, selon le stade de développement, avec des environnements et des contenus vidéos et images 2D par exemple.

L’un des défis à relever pour les acteur·rices métavers français dans la conception des plateformes à destination des institutions serait la création de contenants et contenus via le front office, ce qui ne nécessiterait pas de compétences spécifiques de développement.

CONCLUSION : 

Cette deuxième session du Think Tank « lieux culturels et métavers » a donc proposé un tour d’horizon complet des problématiques techniques soulevées par les métavers, tout en s’intéressant de près à leur impact environnemental, dans une logique de réduction de l’empreinte carbone des acteur·rices métavers, notamment dans le cadre des réflexions du plan “France 2030”.

La prochaine session aura lieu le 16 janvier 2024, avec pour thématique les usages et les modèles économiques des métavers. Nous laisserons à cette occasion la parole aux institutions culturelles : quelles expériences, quels usages pour les métavers collectifs ? 

En attendant ce rendez-vous, n’hésitez pas à explorer les projets ou plateformes de nos intervenant·es !

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